Retour sur « La conférence du Castor » (vidéo complète à la fin de cet article)
Difficile de vous résumer plus d’1h30 de conférence et questions autour du Castor ! Voici quelques points dont certains ont particulièrement étonné l’assemblée rassemblée le 20 juillet à Saint-Julien-en-Quint.
Le castor, hier et aujourd’hui
Au Moyen-Age, toutes les rivières françaises (européennes) accueillaient des castors (10 à 25 barrages par km) mais au XIVème siècle, sous l’influence des ordres monastiques, on commence à installer des moulins à eau sur presque tous les cours d’eau, ce qui créé des conflits d’usage qui aboutissent à un premier effondrement de la population de castor. Le glas sera sonné au début du XIXème, par Napoléon avec son célèbre bicorne du feutre de poils de castor. La fourrure de castor qui couvre le chef, devient à la mode dans l’empire. Le castor n’y survivra pas, l’extinction se propage dans toute l’Europe et même aux Amériques juste pour satisfaire à cette mode.
Il a été timidement réintroduit en France dans les années 70. Il est désormais protégé et peut être un véritable allié pour notre lutte contre le réchauffement climatique et notre adaptation. Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a fait de sa réintroduction la mesure la plus efficace de son dernier rapport. La synthèse est ICI. Le chapitre concerné ICI.
Les gains pour la communauté sont évalué à 65 000 $ par kilométré de rivière pour une emprise de 3 hectares où les castors avec leurs barrages amènent une meilleure oxygénation de l’eau, une meilleure température, une meilleure recharge des nappes phréatiques et surtout une plus grande efficacité dans la prévention des incendies.
Que fait le castor exactement ?
En maintenant l’entrée de leur terrier à 30 cm sous l’eau pour empêcher l’invasion par les prédateurs, les castors font des retenues d’eau et les terres se gorgent d’eau. On a pu comparer la vallée de la Sye (sans castor) et celle de la Gervanne (avec). L’eau de la rivière est bien plus basse dans la 1ère et les maïs plantés en bordure des 2 rivières sont beaucoup plus abondants et hauts à la même période dans la 2ème.
Le castor peut même venir creuser un fossé en suivant une courbe de niveau sur une parcelle qui devient 2 ans après une zone humide pouvant accueillir des colverts et des espèces de libellules qu’on croyaient disparues !
Le castor coupe du bois mais laisse les racines qui se décomposent. Les champignons qui décomposent le bois ont besoin d’eau pour le digérer. Ils créent des filaments de mycélium qui peuvent se propager sur près de 150 m de part et d’autre du cours d’eau, tant qu’ils trouvent du bois à digérer. L’eau peut ainsi être mise en circulation. C’est un phénomène très actif qui peut même faire remonter l’eau jusqu’à 50 m de hauteur sur les pentes. Cette eau, présente autour des mycéliums constitue une réserve utile considérable atteignant 80 litres par m² – soit 800 m3 par hectare.
à voir ICI
Les espèces d’arbres qui, coupées, repartent bien de la base et distribuent aux autres arbres alentour sont surtout les saules, les trembles, les frênes, les érables. Il y a aussi les pommiers que les castors affectionnent particulièrement. Toutes ces plantes sont connectées entre elles par les mêmes champignons que ceux qui alimentent nos cultures alimentaires. Ce n’est pas le cas du chêne et de nombreux conifères qui vivent avec des champignons peu compatibles avec nos cultures. Il est donc plus aisé de faire de l’agriculture autour du castor !
Une zone humide constituée par le travail des castors n’est pas uniquement utile pour ramener des espèces qu’on ne voyait plus mais pour attirer les oiseaux migrateurs qui vont pouvoir amener dans nos régions les micro-organismes donnant l’occasion au sol d’accueillir les nouvelles espèces d’arbres capables de se développer dans un nouveau contexte climatique.
La castor peut nous permettre de contrecarrer 50 ans de drainage et irrigation qui ont accéléré la fuite de l’eau vers la mer et entraîné l’assèchement de nos terres et de nos nappes phréatiques.
Faire des zones humides, avec ou sans castor est donc primordial !
S’inspirer du travail des castors
Marco Forconi a parlé du travail d’étude d’hydrologie régénérative du sous-bassin versant que le GAEC du Montlahuc exploite.
Quelques exemples d’actions inspirées du travail du castor :
EAU :
. Faire des baissières en fonction des courbes de niveau (fossé qui oblige l’eau à s’infiltrer) ;
. Récupérer l’eau dans les pierriers, l’eau qui ruisselle des chemins, l’eau qui sort des trop-plein, … ;
. Utiliser l’eau plusieurs fois, en la faisant s’infiltrer dans le sol chaque fois qu’on la voit refaire une mouillère quelque part ;
. Laisser le castor qui a commencé à créer une petite zone humide dans nos vallées sèches.
ARBRES – BOIS :
. Planter des haies pour capter l’eau des nuages et les brumes ; Planter des arbres qui climatisent l’environnement (un arbre fait chuter la température de 15° près de lui au cœur de l’été) ;
. Avoir des plantes de sous-bois qui peuvent capter l’eau atmosphérique (toutes nos plantes de sous bois au feuillage persistant en sont capables : buis, laurier tin, genévrier, lierre…) ;
. Mettre du bois fragmenté pour connecter les haies et permettre au mycélium d’hydrater tout le paysage ;
. Planter des arbres pour les couper et laisser les racines se décomposer pour permettre au mycélium d’amener l’eau.
Il s’agit bien de réinventer un bocage dynamique qui hydrate nos cultures.
Les castors sont de vrais architectes du vivant, amplifient la vie, nous aident à nous adapter au réchauffement climatique.
Un immense merci à Hervé et Marco pour leur conférence si chaleureuse et inspirante.
FIN NOV 2023 : Vous trouverez la capture de cette conférence : ICI
Ainsi qu’une autre conférence encore plus complète d’il y a quelques mois ICI :